Darry Cowl est mort hier à Neuilly, banalement, des suites d’une longue maladie. Son décès ne fera sans doute pas les grands titres aujourd’hui. Pourtant, son départ sonne aussi comme celui d’un morceau de notre vie. Nos enfants n’en ont sans doute jamais entendu parler ou si peu. Ils ne veulent même pas regarder « Le Triporteur » en dvd avec nous, « petits canaillous ». Il est vrai qu’André Darricau, tout comme ses réparties, avait un peu vieilli…
Oh! ce n’était ni un « monstre sacré », ni un grand homme. Ni modèle, ni élégant, ni prix Nobel, ni chien savant. Mais, avec son air ahuri et son bégaiement, il incarnait le rire populaire, franc et gaulois, à la Fernandel et à la Guitry, laissant à d’autres le second ou le troisième « niveau », nouvelle vague ou génération Bardot. Darry Cowl aurait pu tout aussi bien incarner le cinéma muet tant sa seule bobine suffisait à éclairer les visages. A faire rêver le comptable, à dérider le patron et à débrider l’ouvrier. On en oubliait les horaires postés, les rayons pas livrés et le salaire de misère. Il réconciliait en quelque sorte les classes sociales avec ses grimaces, son mégot au bout des lèvres et ses répliques à quatre francs six sous.
C’est vrai, Darry Cowl ne mérite pas, sans doute, de si grands éloges ou de multiples compliments. Mais sa disparition fait naître tellement de nostalgie qu’il n’était pas si mal finalement.
Et la mort de ce comédien, coincée aujourd’hui entre une grippe aviaire qui menace et un Clémenceau qui recule, c’est aussi la fin d’une certaine France et d’une certaine idée de l’insouciance, la même que celle qui lui faisait jadis accepter de jouer n’importe quel navet pour assouvir sa passion du jeu. La mort de Darry Cowl, c’est la mort d’un artiste qui, après un émouvant dernier tour de piste, s’en va nous zozotant… « Banco! l'un perd et passe, c’est aussi ça la…vie ».