Ingrid Betancourt « fêtera » dans quelques jours ses quatre ans de captivité en Colombie. Et, ce soir, au Bataclan, le tout-paris médiatique et politique en fera de nouveau un symbole de l’oppression et de la privation de liberté en Amérique latine. Ailleurs, hélas, son triste sort n’empêchera pas le monde de tourner, mais il devrait au moins l’amener à s’interroger un peu plus sur les péripéties de ce dossier. Car rien n’est vraiment très clair au royaume de Bogota, des Forces Armées révolutionnaires colombiennes et de Paris. Si l’on peut, en effet, comprendre qu’Ingrid Betancourt dérangeait en 2002, en tant que candidate à la Présidentielle, on peut tout aussi estimer qu’elle n’est plus d’aucune "utilité" aujourd’hui. Tant pour les rebelles que pour les autorités.
Reste que la France persiste à balbutier sa diplomatie dans cette affaire qui, pour certains de ses proches, a fait d’Ingrid Betancourt l’otage d’une « guérilla romantique », comme l’écrivait « Le Monde » le mois dernier. Il est vrai que le Premier ministre Dominique de Villepin est désormais bien embarrassé. S’étant fait remarquer d’étrange manière, en juillet 2003, quand, alors ministre des Affaires Etrangères, il avait affrété secrètement un « avion sanitaire » pour aller libérer son amie, il hésite à présent à prendre des initiatives. Quant à son successeur, Philippe Douste-Blazy, qui sera sans doute ce soir au Bataclan, il ne semble disposer d’aucun plan pour faire avancer le dossier. Il a tout juste en main le livre de Jacques Thomet, ancien directeur de l’AFP à Bogota, très critique envers la jeune et jolie franco-colombienne et les autorités françaises, mais pas vraiment générateur de solutions.
Ingrid Betancourt n’est pas le seul otage des FARC en Colombie. Elle partage le quotidien de près de 4.000 civils prisonniers de la jungle qui font, pour partie d’entre eux, l’objet d’un chantage à la libération de combattants et à la mise en place d’un territoire démilitarisé. Du moins tel qu’il est écrit officiellement puisque le Président Uribe n’hésite pas à rendre public le projet secret élaboré par la France, l’Espagne et la Suisse.
Il est vrai que le président Uribe n’entretient de liens d’amitié ni avec Ingrid ni avec les autres otages moins médiatisés. Il ne semble, par ailleurs, plus aussi pressé de négocier dès lors que sa réélection en mai prochain est… quasi-assurée. Qu’importe alors Ingrid Betancourt ou la guérilla !