On ne peut pas imaginer un instant que l’on ne puisse se mettre d’accord aujourd’hui entre créanciers pour sauver Eurotunnel. Et pourtant ! … Tout comme on ne peut pas croire que, dans trente jours, le tribunal de Commerce de Paris puisse placer l’entreprise en redressement judiciaire avant d’en prononcer la liquidation pure et simple. Une telle issue reviendrait en effet à « s’asseoir » définitivement sur 9 milliards d’euros de dettes, au grand dam surtout des petites entreprises « éternellement » impayées, et des actionnaires « trompés » jusqu’à l’os. Il n’y aurait plus alors, qu’à décider de « reboucher » le tunnel, en quelque sorte, pour éviter que le « trou » ne s’agrandisse.
Les deux tiers des créances sont détenues par des établissements financiers qui savent mieux que quiconque ce qu’ils risquent à ne pas trouver un accord. D’autant qu’ils sont très largement à l’origine de cet étranglement financier en ayant imposé des montages douteux faits de nouveaux financements et de refinancements. Car il faut savoir que la dette d’Eurotunnel est trois fois supérieure à sa capacité de remboursement et que la société est entrée dans un cycle sans fin qui l’oblige, faute de liquidités suffisantes, à toujours emprunter pour pouvoir rembourser les 430 millions d’euros d’intérêts annuels de la dette.
Les résultats commerciaux et le succès de cette ligne trans-Manche n’influent guère sur le problème. Si l’exploitation du tunnel sous la Manche est désormais rentable, elle ne permettra jamais de faire face aux obligations financières actuelles. Sauf à mettre des voyageurs sur les toits ou à les serrer à deux par siège. Au même prix.
On ne peut donc s’empêcher, à ce stade du dossier, de dénoncer le caractère peu vertueux des premiers investisseurs. Ceux-ci n’ont en effet, jamais joué le jeu de cette aventure humaine et industrielle. Contrairement aux actionnaires de bonne foi, aux grandes déclarations publicitaires de l’époque et aux envolées des premiers coups de pioche, ils se sont rapidement « délivrés » de leurs créances en les revendant à bas prix à des organismes de financement dont la raison d’être est seulement de récupérer au centuple et au plus vite leurs investissements. Il en est ainsi, notamment, des fonds de retraite qui n’ont pas vocation à s’éterniser sur les prêts qu’ils consentent.
Mais il est désormais trop tard pour faire marche arrière. Et, seule, une renégociation de la dette peut sauver l’entreprise. Même si cela doit se faire au prix de son capital et, comme toujours, sur le dos de ses… actionnaires.