Le réveil a été difficile ce matin au Salon de l’Agriculture. Non pas tant parce que les exposants avaient la « gueule de bois » ou que les vaches et les taureaux étaient passablement énervés, mais parce que tout ce beau monde était en retard sur l’horaire. Le coq n’avait pas chanté sur la Porte de Versailles et, pour la première fois de l’histoire de ce salon, le son de la pendule avait remplacé le caquetage des gallinacés.
Mais c’est ainsi. Pendant dix jours, il va falloir s’habituer à conjuguer veaux, vaches, cochons sans… couvées. A ignorer l’aviculture sans jamais cesser d’en parler. A manger des cuisses de poulet tout en se contentant de regarder les affiches.
Car, quoiqu’il arrive, et quelles que soient les performances de nos élevages de viande, la grippe aviaire sera au « menu » du salon. On l’a bien vu, hier, avec la visite du Président de la République qui a d’ailleurs été égal à lui-même. Compatissant pour l’Ain, encourageant pour les autres, Jacques Chirac a exhorté les Français à acheter du poulet, avec la même passion qui l’amena, jadis, via sa marionnette, à leur proposer des pommes. Il a ainsi distribué conseils culinaires et poignées de main salutaires, joignant le geste à la parole et consommant à pleine bouchée deux ou trois spécimens du pays de Bresse.
Plus vrai que vrai. On se serait cru chez les Guignols de l’Info.
Les professionnels vont devoir s’habituer à cette difficile absence aussi étrangement présente. Obligatoire à la pause déjeuner et inexistante dans les allées. Car, même s’ils voulaient l’oublier, ils seront, chaque jour, rattrapés par le poulet. Chacune des soixante personnalités annoncées voudra en effet y goûter et y aller de son propre couplet sur le sujet. On saura ainsi, par exemple, si Ségolène Royal préfère l’aile ou la cuisse, si Nicolas Sarkozy a une préférence ou non pour le croupion et si Jack Lang garde un faible pour la carcasse. Nul ne voudra être en reste. Nul ne sera avare de solutions. Et s’il y a fort à parier que, cette année, la croupe de la Charolaise sera un peu dédaignée, ce sera, espérons-le, pour la bonne cause, pour sauver tant la filière que... notre santé.