Si « gouverner, c’est prévoir », comme le disait Emile de Girardin, on ne peut pas dire que le sommet de l’Etat nous en ait donné l’illustration ces derniers temps. Certes, Jacques Chirac est intervenu hier, mais il est intervenu bien tard, sinon trop tard. Et encore, il lui a fallu attendre, semble-t-il, la décision du Conseil d’Etat, pour reprendre la main d’autorité sur le Clémenceau, et l’avis de l’agence de sécurité sanitaire pour imposer, via son gouvernement, le confinement des oiseaux. Ce qui, pour le moins, traduit une prudence excessive dans l'action bien éloignée du sens commun des responsabilités.
Le sommet de l’Etat apparaît ainsi déjà tétanisé à un peu plus d’un an de l’élection Présidentielle. Personne, parmi les prétendants, ne veut faire le geste qui fâche, prononcer la déclaration qui enflamme ou prendre la décision ultime. Chacun se réfugie derrière une haute autorité ou des experts en comités pour éviter d’avoir à décider. Ce n’est plus de l’extrême démocratie, mais la nième réédition du jeu…du parapluie. Il s’agit de se protéger avant tout. Des autres Présidentiables comme des Français. Et de tout. Des travailleurs indiens comme des poulets. Résultat : un fiasco de plus de quatre millions d’euros pour le Clémenceau, ce qui fait chère la dernière balade en mer, un ministre déconsidéré, et des mesures de précaution difficiles à gérer avec, en prime, des milliers d’éleveurs à indemniser.
Mais le plus triste est, sans doute, de constater que nos élites, quel que soit leur camp, ont été d’une commune incapacité ces derniers temps. Entendre aujourd’hui l’Opposition donner des leçons de « navigation », alors qu’elle était restée fort silencieuse au départ du porte-avions de Toulon, a ainsi quelque chose d’indécent.
Tout cela est plutôt inquiétant. Car cela traduit un manque de renouvellement des hommes et des idées, un dysfonctionnement certain de l’énarchie et de ses générations spontanées. A croire qu’au petit jeu des familles du Pouvoir, qui se disputent la France depuis près de trente ans, il manquerait désormais plusieurs éléments, pas tant d’ailleurs le père, la mère et les enfants que des qualités tels la grandeur, le courage et… la capacité.