Dominique de Villepin ne veut pas céder. Soit ! Mais il va devoir singulièrement améliorer sa copie après le succès de la mobilisation d’hier. Car si l’on ne gouverne pas avec la rue, on ne peut pas non plus gouverner bien longtemps contre… elle. Sauf à risquer l’épreuve de force et une opposition irrationnelle, bien éloignée des préoccupations originelles. D’aucuns, comme Edouard Balladur avec le CIP, François Bayrou quand il voulut modifier la loi Falloux ou même Lionel Jospin s’en souviennent encore. Reste à savoir si l’on peut toujours, et comment, « bonifier » le Contrat Première embauche (CPE). Ou s’il n’est pas déjà trop tard. Car le calendrier du CPE est relativement peu flexible. Il favoriserait même plutôt la fermeté gouvernementale. Le projet de loi étant passé à l’Assemblée, grâce au 49-3, puis au Sénat, doit en effet revenir sous forme d’une nouvelle mouture mixte paritaire pour être adoptée cette nuit ou demain. Dès lors, il s’agira d’une loi de la République. Certes sans décret d’application, mais d’une loi tout de même.
Autant dire que les prochaines 24 heures vont être déterminantes. Pas tant d’ailleurs du côté des manifestants que du côté du gouvernement. Le Premier ministre peut proposer des avancées, comme, par exemple, réduire la période d’essai à un an au lieu de deux, ou retarder l’adoption définitive du projet au terme du large dialogue avec les partenaires sociaux qu’il a appelé hier à l’Assemblée. Car à quoi bon promettre une « large concertation » si la loi est… votée. Dominique de Villepin est d’ailleurs très étonnant dans ce registre. Il décide d’abord et consulte ensuite. Il clôt toute discussion, puis consent à commenter sa décision. Mais cette forme intempestive de pouvoir personnel ne satisfait personne et ne fait que déguiser un peu plus le parlementarisme affiché en « dessert » réglementaire. Quand tout est « consommé », sans plaisir ni conviction.
Finalement, devant cette situation bloquée ou en passe de l’être dans les prochains jours ou les prochaines semaines, un seul acteur, Jacques Chirac, peut permettre à tout un chacun de sauver la face. Le président de la République pourrait même voir dans cette révolte intérieure l’occasion de redorer un blason quelque peu terni par l’opinion et son dernier voyage à l’étranger. Revenant en effet les mains vides d’Arabie saoudite, il pourrait ne pas admettre de sacrifier encore quelques points de croissance sur le pavé de l’impopularité. Enfin, à n’en pas douter, il jugera sûrement utile de rappeler à son Premier ministre, qui n’en a encore aucune expérience, quelques règles élémentaires pour espérer gagner les prochaines… élections.